Vendredi 24 mars 2017 : Il est un peu moins de 8 heures quand Isa et moi partons récupérer Marjo et Emilien pour prendre la direction de Barcelone, et plus particulièrement de Begues, pour disputer l’UTBCN. Ça fait plusieurs mois que j’attends ce jour, en fait dès que j’ai été remis de l’Ultra Pirineu, cet ultra est venu me taper dans l’oeil et c’est la première échéance que je me suis fixée pour cette année. Par la même occasion, compte tenu des 4 distances proposées, c’est l’occasion de réunir bon nombre d’athlètes du groupe d’entrainement et de passer un bon weekend trail. En effet l’organisation propose un 21km, un 42km, un 72km et un 102km, il y a le choix. Le route se passe aussi rapidement qu’elle peut se passer avec Emilien dans la voiture, vers les midi nous arrivons à Begues et nous retrouvons Marsou arrivé la veille. Nous prenons alors la direction de la salle de retrait des dossards, tant qu’à faire on retire les dossards, en même temps ça aurait été un peu bête de ne pas le faire hein ? Et Go nous prenons la direction du sud de Barcelone dans un camping bordant la plage, mais aussi l’aéroport et une 4 voies, qui sera notre base de vie jusqu’à dimanche. C’est là que doivent nous retrouver, Arthur, Fabrice, Philippe, Karine, Marine, Théo, Laurent, Véro, Alima et Claire… Ça fait du monde tout ça non ? Ben oui parce que si tu comptes bien nous voilà 15 à affronter l’UTBCN dès le lendemain.
Après une sieste nous voilà tous installés dans les « domos » ce sont les logements sur la photo, originaux et sympas, sauf une chose… La photo vient du site du camping et la météo n’est pas du tout la même, mais alors pas du tout du tout. Bon depuis 7 jours que la météo devient fiable on sait que l’on a de fortes chances de ramasser, comprendre il va tomber des cordes, mais là pour le coup soit le phénomène est en avance soit si demain ça empire il va falloir que Noé et son arche restent en stand by pas trop loin. La pluie, d’abord calme pendant la sieste, se renforce et, à l’arrivée des potos manquant, vire à l’orage. Bon il en faut plus pour nous arrêter puisque avec Marsou aux commandes nous nous retrouvons sous l’abri pique-nique du camping pour déguster sous des trombes d’eau du poulet/riz façon Marsou. Après ce bon mais peu confortable repas, un peu avant 22h, sous l’influence d’Arthur qui à priori avait des trucs perdus à Bagà à retrouver le lendemain, et après un bon sprint pour éviter de se prendre des tonnes d’eau sur la tête, destination le village des Hobbits pour une petite nuit !
Entre l’orage et le fait que le réveil était calé sur 4h15 et que du coup tu te dis que tu ne vas pas l’entendre et que et que… Bref la nuit fut courte et agitée. Au levée plusieurs paramètres me donnent envie de retourner me coucher, il pleut toujours, un peu moins mais comme on le sait tous l’eau ça mouille même en petite quantité, et puis la température est idéale pour un mois de janvier, à part que là on est fin mars et que le thermomètre affiche un vaillant 4°, et que tout à l’heure, un peu plus haut, il sera encore plus frais. Mais bon le chantier est prévu de longue date et Marsou, Fabrice et moi nous nous motivons (enfin on essaie, non en fait on se dit qu’on va bien ramasser) pendant le petit dej. Et puis d’après les sites météo ça devrait se lever en cours de matinée, alors pas de stress, les 102km et leurs 4700 de D+ vont passer comme une lettre à la poste, bon enfin parfois les lettres passent mal quand même à la poste.
On va donc essayer de mettre en application la méthode Duce : « Oublie que t’as aucune chance. On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher ». Je décide de partir en short pour le bas (c’est quand même mieux que de le mettre en haut, je le précise au cas où certains d’entre vous seraient tentés) et en haut vu que ça caille, tee-shirt, veste thermique Blizzard, et encore par dessus la veste étanche Storm. Me voilà paré, avec mon beau dossard personnalisé, à affronter les vicissitudes de l’utra trail de Barcelone. C’est le premier ultra que je vais faire sans réelle assistance, on verra juste les copains au 72ème. Particularité nos 72 premiers kilomètres correspondent à ceux que vont parcourir Emilien, Philippe et Arthur une heure après, il y a donc des chances qu’ils nous rattrapent un peu avant de partir sur notre deuxième boucle longue de 30km. Nous plaçons donc un sac dans la base de vie de Begues avec, pour ma part, un change complet à l’intérieur histoire de pouvoir me changer intégralement en cas de besoin avant de partir pour le périple final. Après un petit café serré mais bien chaud il est temps de passer au contrôle du matériel obligatoire. Pour ma part j’y échappe je ne sais toujours pas pourquoi ni comment, alors que Marsou et Fabrice ont droit à une fouille en règle, ils ont même du marquer leurs gels et autres barres tout comme la quasi totalité des partants. La pluie se calme et laisse place à une légère bruine tandis que nous sommes dans le sas. Côté coureurs ça rentre mais ça ne se bouscule pas et du coup nous nous retrouvons en première ligne sous l’arche de départ devant les 250 autres partants. Le directeur de course nous fait un rapide briefing en catalan, autant dire que tel Cruchot (revoir la scène de la conférence dans le gendarme à New-York) j’ai beau acquiescer et sourire en même temps que les autres, bah j’ai rien capté !
Après un check du directeur de course vient le Cinc, quatre, tres, dos, un, que s’ha anat (en catalan dans le texte mais vous aurez compris) et que si vous n’avez pas compris, Bim c’est parti nous voilà lâchés dans les rues de Begues enfin pour quelques temps car après seulement quelques hectomètres nous sortons du village. Pour l’instant nous sommes encore tous les trois ensemble, on essaie d’échanger quelques mots, mais au fond on sait que ça ne va pas durer, que de toute façon la course va vite nous séparer et que de toute façon à partir de maintenant c’est entre nous et le géant barcelonais avec ses 102km de long et des 4700 de D+ au garrot. Un kil après le départ Fab nous lance un « bonne course » et nous nous éloignons peu à peu avec Marsou dans un peloton d’une vingtaine de personnes qui s’étire au file des minutes. Très fréquemment je jette un coup d’oeil à ma montre, je ne veux surtout pas me laisser emballer et je pose quelques coups de frein dès que la vitesse passe au dessus des 12km/h, il faut rester humble par rapport à ce qui nous attend et surtout ne pas griller les cartouches dès les tout premiers kilomètres.
Au bout de 4km Marsou s’arrête enlever une épaisseur, je ne l’attends pas car je sais qu’il va me revenir dessus et de toute façon nous n’allions pas tarder à être séparés. Deux kilomètres plus loin c’est moi qui m’arrête enlever une couche, je sens une tape, c’est Marsou, ça y est il prend le large et me voilà, bon pas seul on est encore nombreux, mais disons en terre inconnue sans copains à mes côtés. La bruine s’estompe peu à peu et, malgré un fond de l’air encore un peu frais compte tenu de l’heure matinale, il semblerait que le temps vire vers le beau et ça ça me donne la banane… Et j’en ai besoin, je me sens un peu crispé depuis le départ, j’ai du mal à rentrer dedans c’est bizarre. Pour l’instant j’ai l’impression de vivre la course de l’extérieur, un peu comme si j’étais spectateur de moi même, je pense qu’inconsciemment mon esprit se protégeait un peu histoire de retarder certains passages dans le dur comme il y en a tout le temps sur les ultras.
Côté paysages, c’est juste grandiose, de la garrigue à perte vue, des passages dans la terre rouge sous les pins , des singles joueurs, de la piste non lassante, peu à peu je rentre dedans comme il faut et apprécie l’instant. Surtout que niveau physique c’est parfait, en même temps il vaut mieux car nous venons à peine de passer les 10 kils … Plus que 90 ! Yahou !!! Et c’est ainsi que chemin faisant, j’arrive au premier ravito. Je reprends mes bonnes habitudes, le plein des gourdes, mes bananes, un coca, et je repars à la marche en mangeant… Il y avait juste avant ce ravito eu de belles bosses, raides mais peu techniques. Aussitôt après le ravito on s’en mange une bien belle, bon en même temps c’est le jeu ma pauvre Lucette, mais par contre la nature du sol à tendance à changer. Même si nous avons encore au sol pas mal de terre et de passages dans des flaques qui te prennent tout le chemin que tu es obligé de te mouiller les pieds, les cailloux, pardon, la caillasse s’invite. Je ne suis pas un grand fan des cailloux et surtout ma voute plantaire n’est pas préparée aux chocs successifs et sans répits sur eux.
A ce moment là, deux français sont juste derrière moi, ça n’a rien de gênant en soi, par contre ils n’arrêtent pas de causer, dans l’absolu ça pourrait ne pas me déranger non plus, à part que là ça parle boulot, politique… Bref j’en viens à me demander si du coup au bureau ils parlent trail et sur les trails vie de tous les jours. Je ralentis, espérant les laisser passer, mais non ils restent là à bavasser, pardon, à deviser sur l’économie, la politique, l’emploi, si ça se trouve j’avais derrière moi deux énarques parce qu’ils étaient sur d’eux sur tous les sujets. Le chemin étant étroit j’hésite à mettre le mp3 histoire d’entendre si derrière certains arrivent plus fort pour les laisser passer, du coup je préfère poser une mine et à la faveur d’une belle piste descendante, j’enclenche la seconde et prends suffisamment d’avance pour ne plus entendre les deux futurs ministrables. Un petit coup d’oeil à la montre, 2h30 de course et 21km avalé avec 1000 de D+, je suis surpris car je me sens vraiment bien, seule ma plante de pied droit et mon talon du même pied deviennent un peu sensibles à cause des pierres roulantes et tranchantes.
Il n’est pas rare d’apercevoir la mer au détour d’un single ou d’avoir une vue panoramique sur la baie Barcelonaise, je marque de petits temps d’arrêt histoire de profiter, c’est vraiment très beau mieux que je ne l’imaginais, mais le sol lui devient très exigeant et je suis contraint de viser notamment pour mon pied droit. A viser ainsi je suis loin d’être efficace et du coup je compense pas mal musculairement ces écarts de trajectoire et les adducteurs ramassent un peu. Un peu avant le deuxième ravito, sorti de nulle part, apparait un monastère bouddhiste avec en arrière plan la côte méditerranéenne, vue atypique certes mais magique, je me prends une vingtaine de seconde à la marche pour apprécier avant de repartir pour 1 kil de plus et ainsi faire mon deuxième arrêt aux stands. 23km, 2h42, 1025mD+ on est bien là hein ? Je respecte mon protocole habituel que j’agrémente de quelques bonbons et c’est reparti mon kiki. Au passage j’en profiter pour enlever la veste car la température est bien montée.
Les sept prochains kilomètres vont être compliqués, devant moi un lit de cailloux, impossible d’y couper, ça roule, tu te coinces les pieds, les chevilles risquent de vriller à chaque appui, je ne me régale pas, je subis, j’en viens même à me demander pourquoi je suis là, j’ai beau essayer de trouver des réponses sur le coup j’ai du mal, ma plante du pied droit devient très douloureuse un peu comme si un hématome c’était formé en dessous, côté talon c’est pas mieux les poses de pied droit en deviennent compliquées. Heureusement les mauvaises choses sont comme les bonnes elles ne durent jamais. Devant moi de dresse un mûr, certes toujours empierré, mais sa verticalité m’oblige à avancer à la vitesse d’un têtard qui se serait laissé pousser les pattes et s’élancerait sur un 110 mètres haies. Du coup ça repose. Un coup d’oeil à la montre entre deux coups de bâtons m’indique que j’en suis à 3h30 de course.
Et là j’entends, à quelques encablures derrière moi la pierre rouler, ce sont deux OVNIS du 70km parti quand même une heure après nous qui cavalent comme des cabris sur une pente à 20% avec de la pierre roulante… Et juste pour info ils ont 30 bornes dans les jambonneaux les deux types ! Impressionnant. Je les laisse bien évidemment passer, j’aurai pu leur faire un croc mais ça aurait fait désordre, et je reprends donc ma laborieuse ascension. Le sommet ne tarde pas ouf, et la superbe vue sur la baie de Garraf me ferait presque oublier la grimpette et mon pied. Cependant il s’est un peu refait mon pied droit le fait de moins le solliciter l’a soulagé. S’ensuit un bon bout de descente en direction de la plage sur le goudron. Je ne cherche surtout pas à forcer, je profite à la fois du paysage mais j’en profite surtout pour me refaire la cerise. La précédente grimpette est musculairement oubliée, le pied va de mieux en mieux, du coup à la sortie du goudron, sur un monotrace long de 2 kilomètres et descendant vers la plage, Bim ! Je remets les watts et reprends quelques places perdues précédemment.
Durant cette descente, je retrouve vraiment de super sensations et non seulement j’ai remonté ma moyenne, mais surtout lorsque je foule le sable de Garraf je suis frais comme un gardon. Je marque un léger arrêt pour enlever des petits cailloux qui s’étaient immiscés dans mes chaussures, la suite vous la connaissez, le plein de flotte, mes bananes et feu on redémarre tranquillou. En bout de plage je croise un photographe hyper sympa qui me dit qu’il prend tout le monde (ou presque) en train de manger. En même temps placé 50m après un ravito c’était prévisible. Sortie de la plage de charmants escaliers piquent un peu et me rappellent que j’ai quand même parcouru 36km et 1429m de D+ en 4h29… Il reste encore 2/3 du parcours à réaliser. Devant moi maintenant 4km bien raides, ben oui on est en bord de mer et il faut bien revenir. Il fait chaud, le vent ne passe pas trop dans cette vallée et ça grimpe fort, plusieurs passages se font droits dans la pente, heureusement les portions plus ou moins planes sont peu techniques et permettent un certain repos. Cela dit, j’ai mon tempo, le mode diesel est enclenché et ne semble pas faiblir. Parfois je commute le mp3 et m’échappe un peu plus, mais de manière générale je reste concentré ou à profiter de la garrigue. S’en suit une crête suivie d’une descente bien raide. Elle me tape un peu dans les genoux et redoutant une fin de course comme à l’Ultra Pirineu je lève le pied et descends tranquillou, bien m’en a pris car la suite étant une succession de faux plats montants et descendants relancera par moments ces pointes bien aiguës qui m’avaient tant fait mal la dernière fois.
Juste avant le ravito un joli mûr s’offre à moi, fini le faux rythme imposé par les précédents faux plats, les bâtons donnent le tempo et je grimpe comme un cabri au sommet. Le ravito se situe à l’Ermita de la trinitat, c’est juste magique comme vue. C’est le moment de me masser les jambes avec mon baume du tigre car je sens que les quadris et les mollets ont un peu ramassés durant cette étape. je me dirige vers les kinés qui pensaient que j’allais les solliciter, mais non, je m’incruste juste sur un muret histoire de me poser, me tartine de lotion, je leur quémande une lingette et repars avec mes fameuses bananes et mon plein d’eau. en partant je me retourne encore pour voir ce panorama qui n’indique en rien que l’on est aussi proche de Barcelone. Côté parcours 49,4km, 2129m D+ pour 6h37 de course… Mais d’ailleurs yépa … Champagne c’est quasi la mi course, bon ok c’est 102km… Mais quand même on ne va pas tarder à faire la bascule ! Comme dirait Pangloss, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais un peu à la manière de Candide je vais me rendre compte qu’il n’y a pas lieu de faire preuve d’autant d’optimisme.
Le prochain ravito se situe à 12 km de là à l’observatoire de Can Grau, jusque là rien d’anormal ni de particulier. Su le profil des côtes et apparement de belles descentes pas forcément très pentues… En avant !!! Mais très très vite je retombe sur un sol inondé de caillasses, plus dures, plus tranchantes et plus roulantes, bref plus emmerdantes les unes que les autres. Mais en même pas 10′ mon pied droit, suite à quelques chocs se réveille, plantes et talons ne font plus qu’un dans la douleur tant et si bien qu’il m’est impossible de courir dans les descentes car la moindre onde de choc me fait un mal de chien. Me voilà obligé de ronger mon frein, de laisser passer une bonne 20aine de coureurs en espérant à chaque entrée en sous bois ou au détour de chaque virage que la nature du terrain allait changer. Mais non que dalle ! Il en ira ainsi jusqu’à l’observatoire. Je dois d’ailleurs avoir le visage un peu crispé en arrivant là bas car le pointeur me demande si ça va et si je ne veux pas faire une pause, il essaie même de me parler en français. Je retrouve peu à peu le sourire me mêlant aux bien sympas bénévoles et aux autres coureurs, même si je ne comprends pas tout je prends le temps d’échanger un peu. C’est aussi le moment ou je dis stop aux bananes et bascule irréversiblement vers le salé. 61km et 2670m de D+ on tient le bon bout (et pas le bambou) quand même, j’essaie de me renseigner sur la topographie du terrain qui va se présenter à nous mais pas d’info. Tant pis allez zou, je visse les écouteurs et redémarre. A ce moment là je me demande où en sont les autres je me doute depuis un moment qu’Isa et ses Compañeros du 21 sont arrivés mais j’aurai pensé voir Emilien et Philippe revenir vers moi, surtout compte tenue de la médiocrité de mon allure sur le dernier tronçon. J’espère qu’ils n’y a pas eu de bobos, c’est tellement facile dans cet environnement là de se faire une cheville par ci ou un genoux par là.
La grosse bosse qui s’offre devant moi et surtout le rythme qu’elle m’impose, ajoutée au petit repos pris sur le ravito, tout ceci me soulage le pied, la douleur s’atténue. D’ailleurs on dirait que l’on retrouve le sol du départ, et oui on revient vers Begues… Bonne limonade ça ! Ah tiens oups mon gps a rendu l’âme, plus de batterie, et mon GPS de secours est à Begues, bah tant pis pour 10km on ne va pas chipoter. D’autant que le sol se faisant de plus en plus terreux, à la faveur de la descente j’arrive à me remettre dedans, je peine un peu sur une des rares parties plates (et encore plate il faut le dire vite) quand tout à coup une voix gutturale et animale hurle « Hey Papy ! »… Je me retourne et hop ! tel le Jean-Michel sur Facebook (private joke) Emilien déboule ! ça me fait plaisir de le voir, c’est pour dire, je me rends compte à cet instant que je suis seul depuis près de 10h. On papote un peu, il me raconte sa course, la première partie avec Philippe, ses échanges avec Fabrice, et chemin faisant c’est ainsi que nous arrivons au 67ème kil dernier ravito pour lui avant l’arrivée et pour moi le dernier avant la base de vie. 67 kils de parcourus avec 2933m de D+ en 10h03, ce qui est fait n’est plus à faire, il reste un tiers de la course à parcourir. Le sol que foule mes pieds est enfin meuble, je retrouve un bon moral et le fait que les guiboles aient été bridées durant plus de deux heures, bah elles ont la patate. Enfin c’est relatif mais sur les pistes toutes en faux plats qui relient Begues j’arrive à imprimer un petit 9km/h des familles qui va bien au moral.
Soudain, alors que je viens d’entamer une portion de bitume synonyme de proximité avec Begues, j’aperçois au loin Isa, le temps d’un petit bisous et tout en ralliant la base de vie elle me raconte un peu la journée, première news triste, Marsou à du jeter l’éponge peu après le 70ème alors qu’il était proche du top 10, un début d’hypo ajouté à sa fatigue accumulée aura eu raison de lui. Marjo aussi, là encore à cause de la fatigue accumulée, a du stopper, en revanche Isa a bouclé 9ème féminine, Théo 25ème scratch sur le 21km, Alima 4ème féminine mais elle est déçu car elle a fait 2 erreurs de parcours qui au final lui font rater la boîte, et tous les autres ont réalisés de superbes courses sur leur distances, à commencer par Laurent, un mois à peine après la TransGranCanaria. Arthur, Fab et Philippe sont toujours en course. Le barres de moral se reconstituent une à une pour faire le plein lorsque j’arrive à la base de vie. Le fait de revoir tout le monde et de me faire coucouner par Théo et Isa me remettent les batteries à niveau. Par dessus je rajoute un changement de chaussettes, tee-shirt, j’enfile une veste storm toute propre, le Buff, la frontale, un check à tout le monde et je repars à la marche en compagnie d’Isa et de Théo remonté comme un coucou Suisse.
Je sais que maintenant une nouvelle course commence. Comme la majorité des trails espagnols le meilleurs est pour la fin, comprendre on va manger du D+. Passé 600 mètres Isa et Théo font demi tour, il ne faut plus réfléchir maintenant et seulement agir. Ce qui me rassure en premier c’est le sol, de la bonne terre qui va bien et peu de cailloux. C’est serein que j’aborde cette première partie quand tout à coup 500 mètres devant moi j’aperçoit un groupe en train de remonter ce qui (bien que n’en étant pas une) ressemble à piste noire de ski. 3 ou 400 mètres plus loin c’est passé, mais alors le cardio est bien monté. Point positif j’ai repris deux coureurs ce qui me fait dire que ça commence à péter un peu devant. Je fais alors 1 petit kilomètre sur un plateau et découvre une vue magnifique sur Barcelone immortalisée par un des photographe. Mais que vois-je ? On descend ? et ça à l’air de bien descendre. Je me trouve à présent devant une pente jonchée de belle grosses pierres rouges qui forment souvent des marches oscillant entre 50cm et 1 mètre que j’amorce en mode pépère… C’est pas le moment de se péter maintenant.
La descente est longue mais plaisante, ça glisse un peu parfois à cause de l’humidité, mais je me dis que j’ai de la chance de la passer de jour, c’est quand même beaucoup plus aisé. C’est en faisant donc très attention que j’arrive à l’avant dernier ravito (ça commence à sentir bon quand on se dit ça) à Ermita Bruger. Une fois de plus j’ai droit à un super accueil de la part des bénévoles, cependant je décide de ne pas m’attarder et de reprendre rapidement la route, autant profiter de la lumière du jour. 77km pour pour 3326m de D+ et un poil plus de 12h de course quand j’attaque une longue partie en sous-bois, légèrement vallonné. J’ai alors l’impression de commencer la course. Musculairement je suis tout neuf, ma foulée, bien qu’un peu tronquée, est dynamique, les appuis sont tops et la tête n’a qu’une envie foncer ! Par ailleurs je reprends quelques coureurs de ci de là, c’est juste génial. Une demi heure plus tard j’allume ma frontale, la nuit est là et ma forme toujours au top ! Comme disais l’autre : « What Else ? ». Je parcours donc les 12km qui me séparent de Torrelles, lieu du dernier ravito dans cet état de forme, le top !
Le top, même si je sais qu’à partir de là ça va être la guerre, il va y avoir 3 longues côtes, je viens de gouter à une d’ailleurs juste avant d’arriver sur le ravito, ça grimpe droit dans la pente sur des portions allant de 1,5km jusqu’à 4 pour la dernière, ça va être l’orgie ! Le temps d’une soupe, et c’est dommage car une fois encore les bénévoles étaient aux petits oignons, je m’élance. La pente est d’abord douce, mais très vite, premier mur. J’ai un coureur devant moi, personne derrière, non n’ayez pas peur je ne vais pas le jeter dans un ravin, non, je chausse mon MP3, enfile mes dragonnes, serre les bâtons et en avant ! C’est parti… et ça monte plutôt bien, très bien même, tant et si bien qu’à mi mur, mon tout récent collègue en devient un ancien lorsque je le passe. Un petit faux plat et là c’est The Côte, si c’était un jeux vidéo ce serait comme dirait mon fils le boss juste avant le boss final. Je n’ai mal nulle part, même si les quadris chauffent par moment ça reste très temporaire et côté rythme je me surprends.
Je peine un peu en arrivant sur le sommet, mais là j’ai droit à une vue à 360° avec en point d’orgue Barcelone by night, à ce jour je n’ai toujours pas les mots. Il faut quand même redescendre et là pour le coup c’est une très longue descente sur de la piste pas très pentue donc. Je mange une barre car je sais qu’après ça j’ai « Le Boss » à affronter, je bois et que vois je en contre bas à quelques hectomètres ? Des frontales… Et pas les frontales de n’importe qui évidemment des frontales de coureurs, ça veut dire que je remonte. Peu à peu j’augmente le rythme et la descente se transforme en jeu de Pac Man, et d’un et hop un groupe de 3 et deux autres… Ainsi de suite. Je reprends près de 20 coureurs sur cette portion. Mais attention maintenant devant moi il y a un peu plus de 4km de bosse avec de gros gros passages ! Ce n’est pas le moment de se faire reprendre.
Cette portion là va être émotionnellement la plus belle du parcours, en tête mes deux fils et mon petit frère, aux oreilles la musique qui va bien, lucide car je continuerai à m’hydrater très régulièrement, je vais cependant avoir l’impression d’être téléguidé, je n’ai jamais ressenti ça, même sur un début de course, les bâtons vont et viennent, le moindre faux plat montant est couru, je suis dans un état de gràce, parfois avec les larmes aux yeux, parfois en chantant, bref à voir ça devait surement faire peur mais j’étais trop bien. Tant et si bien que quand j’aborde les 5 km de descente et de plat qui vont me faire rejoindre Begues, j’ai encore la tête pleine de beaux souvenirs de ces 40 dernières années et les jambes qui moulinent toujours, et même encore plus vite. A 2 kils de l’arrivée me voilà à 12km/h. Je rentre dans la ville, l’arche les cris en espagnol, je lève les bras c’est fait !!!! Un ultra de plus dans la musette et pas des moindres. Je reçois ma médaille et cherche du regard Isa et tous les copains… Boh personne !!! Je fais le tour des café environnant échangeant au passage avec d’autres finishers mais ne les trouvent pas. Je file alors vers la salle de ravitaillement quand enfin ils débarquent. Ayant réalisé le 32ème chrono de cette dernière partie et eux s’étant basé sur le prévisionnel annoncé on s’est manqué, pas grave ! Surtout quand quelques instants plus tard je verrai sur Intagram Matthis (mon fils ainé) m’envoyer un message me disant qu’il était fier de moi.
Bilan 16h28 et une 70ème place au scratch (d’abord annoncé à la 78ème position ce sera ensuite corrigé suite à des erreurs de badgeage. J’ai encore un peu de mal à tirer le bilan de ce trail, tant aujourd’hui je ne ressens pas plus de courbatures qu’après une séance de PPG. L’entrainement a du être bon, le moral était là, un jour avec… Avec ses souvenirs, Isa, ses amis, les mots d’avant, les mots d’après tous ces à côtés qui transforment 102km et 4700m de D+ en pur bonheur. Bon c’est pas tout mais une fois le groupe réuni et moi propre, il faut aller se réhydrater avec les copains. J’apprends alors que Fab à fini au 70ème, mais qu’Arthur et Philippe sont tous les deux finishers de leurs 72km. Le lendemain sera bien entendu suivi de farniente, et de grillades sous le soleil qui maintenant nous faisait l’honneur de sa présence. Merci à tous ceux qui m’ont encouragé, félicité et merci à cette organisation catalane toujours aussi perfectionniste, adorable et à l’écoute des coureurs.
Prochaine étape (mais on sait jamais je calerai peut être un petit dossard avant) le Duo de l’Hermitage avec en plus le rassemblement de toute la Team CimAlp !
To Be Continued…
Crédits photos : www.revistatrail.com – www.josebphoto.com – www.prozis.com et DR
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