Jeudi 15 octobre 2015 : Tiens un jeudi bizarre pour une course, ouais mais c’est pas une course, c’est un petit trail de 174km que je ne m’apprête pas à courir, mais à suivre. En effet Marcelin (Marsou pour les intimes) a eu la bonne idée de se lancer dans l’aventure, bon et en tant que coach, je lui ai dit Banco. C’était il y a quelques mois bien sur que je lui ai dit Banco, non parce que là quand même il y a un minimum de prépa à avoir, même si aujourd’hui en arrivant sur l’aire de départ je me demande si tous les concurrents ont pris la mesure de la distance, mais également pensés à la météo et à toutes sortes de choses.
Bref vers 14 heures c’est à la Cité de Carcassonne que nous nous retrouvons, dernier petit brief, derniers petits conseils, le stress monte un peu et même si autant lui que moi essayons de le masquer, bah on sent la pression qui monte et c’est pas de la 1664 ! L’heure du départ approche, les coureurs se rassemblent peu à peu sous l’arche de départ, ils sont environ 160 à s’élancer sur cette première édition du Grand Raid Cathares. Dernier coup d’oeil au roadbook, je lui donne rendez vous à Arques ou à Fourtou dans la soirée, lui souhaite un bon début de course et Bim il est 15 heures et les coureurs s’élancent. Certains n’ont pas fait 2 mètres qu’il sont déja à la marche, bah ma fois je n’avais jamais assisté au départ d’un ultra c’est chose faite.
Bon allez go, c’est pas le tout mais il me faut retourner bosser, bon pour ce qui est du vendredi c’est posé, mais pour cet aprem c’est boulot puis entrainement au stade avec le reste du groupe. En même temps j’en profite pour jeter un oeil au suivi live des coureurs. Au premier pointage à la Cavayère, Marsou est déjà dans le groupe de tête, mais ça m’a l’air d’être parti un peu vite. Juste avant de partir du taf et de rejoindre le stade, nouveau coup d’oeil… Aïe le tempo est toujours très rapide car ils passent au deuxième checkpoint en 1h49, alors qu’on s’était fixé 2h15. Il est dans un petit groupe à 3 minutes des deux hommes de têtes. C’est donc un peu inquiet que je file au stade faire une petite séance de VMA (petite mais qui pique quand même).
Il est 20 heures la séance est terminée, à la base, compte tenu du roadbook, je devais filer vers Arques, mais après un coup de fil à Seb, son frangin, qui gère l’assistance ravito, c’est cuit il est annoncé là bas à 20h20. Impossible pour moi d’y être, c’est donc la direction de Fourtou que je prends. 20h20 Marsou entre au ravito d’Arques, 20h35 il en ressort en 5ème position. J’appelle Seb lui demande comment il est, et il a l’air en canne, il a pris le temps de bien s’alimenter et le moral est parfait, après plus de 47km de course c’est de bonne augure.
Il doit être 21h quand j’arrive à Fourtou, charmant petit village dont j’ignorais l’existence. Arrivé sur place je mange un morceau et à 21h35 le premier passe comme une balle, il a du creuser un sacré écart. Je rentre dans la salle des ravitos, aperçois les parents de Marsou, on papote et bim le 2ème arrive, il est 21h42… Avec son père nous décidons de faire un bout de chemin en sens inverse, le troisième passe il est 21h45, et bim 10′ après voilà Marsou. Je lui emboîte le pas il me donne ses impressions, il est bien, impec déjà 56km de parcourus et peu ou pas de traces de crampes ou autres bobos.
Après avoir pris le temps au ravito je fais quelques foulées avec dans la nuit noire qui est tombée sur les Corbières, au passage nous croisons un renard pas timide pour deux sous, ce petit passage me permet de jauger son tempo et c’est nickel, l’allure et les attitudes sont bonnes. Au bout de 800 mètres, demi tour droite, et go direction la voiture après avoir donnés les derniers encouragements. Avant de démarrer je vais voir quels sont les coureurs qui sont passés et quels sont les écarts et mis à part le 5ème qui pointe à 2′ derrière, pour ce qui est du 6ème il accuse 20′ de retard, là y a bon, mais ne nous enflammons pas le pissou, il reste un peu moins de 120km.
Direction le Château de Peyrepertuse, j’enclenche mon GPS et zou en avant… En route au milieu de nulle part j’aperçois une frontale puis 2, puis 3… un coup de cligno, je m’arrête et demande si des coureurs sont ou vont passer, ils me disent que les 3 premiers sont passés. En ayant 10′ de retard au dernier ravito je me dis que Marsou est toujours 4ème. Frein à main, j’équipe ma Zawa d’un collier lumineux, à parce que je l’ai pas dis mais je l’ai fait suivre à ma belette et je peux dire qu’elle fait sensation avec son beau collier, je m’arme de ma frontale et me dirige en sens inverse du parcours en suivant les rubalises. Dans le ciel pas un nuage, alors certes la voute étoilée est magnifique, mais par contre niveau température ça laisse augurer d’une nuit à se geler les roubignoles. Je n’ai pas fait 200 mètres qu’un frontale apparait et c’est bien celle de Marcelin. Il reprend peu à peu du temps sur le 4ème, j’ai l’impression, et pourtant le terrain lui est peu favorable, lui qui est adepte du monotrace bien technique, là c’est de la piste en faux plat montant. Nos chemins se séparent à nouveau prochaine rencontre à Rouffiac juste avant le ravito du château.
Un petit coup de sifflet à Zawa qui déboule vitesse grand V, chauffage à bloc dans la voiture et hop direction Rouffiac des Corbières. Là point de ravito, je galère un peu à trouver la rubalise, une fois fait je me gare et c’est Matthieu Bourguignon, le premier au classement, qui déboule. Il semble hyper facile et surtout il a creusé un sacré écart, il me demande des renseignements sur ses poursuivants, je lui indique qu’il a 20 bonnes minutes d’avance sur le second, il semble surpris et repart direction Peyrepertuse. Après avoir avalé un sandwich et bu une binouze (bah quand même, faut pas se laisser abattre), je pars à la rencontre de Marsou avec ma « fidèle Zawa ». Le 2ème et le 3ème passent alors et sont assez rapprochés. Et une poignées de minutes après c’est au tour de Marsou. Il est toujours gaillard et même bon pied bon oeil, avec 74km au compteur sa position le galvanise même s’il commence à ressentir quelques douleurs aux adducteurs. Bon ça tombe bien au château, situé 3km plus haut, il y a l’assistance médicale.
Justement le château, j’en prend rapidement la direction car mon chemin en voiture est bien plus long. Arrivé sur place je retrouve Seb, nous préparons les vêtements chauds, parce que là il est 1 heure du mat et ça caille grave. Même si le vent tombe un peu, derrière il va y avoir du sport sur les crêtes et on n’est pas à l’abri d’une hypothermie. Marsou arrive, l’ascension vers le château l’a bien entamé et les adducteurs sont biens douloureux. Heureusement sur place un chiropracteur le prend en main et il fait des miracles. Un peu (beaucoup) de Noc sur les pieds, une bonne soupe chaude, un peu de charcu, des vêtements chauds, le plein du camel et 10′ plus tard voilà le Marsou tout neuf, frais comme un gardon et il s’élance en 4ème position à seulement 4′ du 3ème.
Avec Seb nous prenons la direction de Cubières sur Cinoble, là encore je découvre le village. Sur le bord de la route je vois la voiture de Seb, je me gare, l’appelle (ouf y a du réseau), « C’est où le ravito ? » il me répond « bon tu vois ma voiture, en dessous il y a un chemin, tu le prends, marche 800m, et au bout tu verras le ravito ». J’équipe Zawa avec son collier lumineux, prend ma frontale et au bout de 5′ j’entrevois de la lumière. A l’approche du ravito une voix retenti et me demande si j’ai vu Michel… Michel ? Je dis à la personne qu’elle doit faire erreur, mais à ce moment là à 5 mètres de moi une forme se lève des buissons, la voix retentit à nouveau « ahhh Michel t’es là » et V’la ti pas que mon Michel, bourré comme un coin, retombe avec fracas dans les bartas. La voix lance alors, « bon on sait qu’il est là au moins, il ne partira pas plus loin ». Il est presque 3 heures du mat quand Marsou arrive. Il est toujours 4ème mais recolle de plus en plus. En qualité de local de l’étape il a droit à une ovation, la photo avec Mme le Maire, bref super ambiance. Le chiro lui a fait un bien fou puisqu’il a retrouvé toutes ses sensations et que les crampes ont disparu. Mais bon le plus dur reste à faire. Il est 3h15 et c’est direction le pic de Bugarach. De notre côté avec Seb nous prenons la direction du col du Linas où il devrait passer après la re-descente du pic.
Arrivés sur place, nous repérons les rubalises, Seb se gare en contre bas et moi un peu plus haut. On sait que nous allons avoir du temps, il est 4h30, il fait 2 petits degrés et le brouillard tombe… Si près de Bugarach ça a comme un parfum de fin du monde non ? Après une demi heure de pseudo sommeil à me geler à l’arrière de la voiture entortillé dans mon duvet, une frontale perce la brume. C’est le premier qui arrive un peu hagard. Il marque une pause en me voyant et raconte l’ascension du pic dans la brume, où même les rubalises, pourtant distantes de 30 mètres, semblaient invisibles. Il repart en direction de Sougraigne et pour nous l’attente reprend. Environ une heure après, une autre frontale perse le brouillard, on devine 2 faisceaux, ça c’est bon signe car Marsou a pris en plus de la frontale une torche, et c’est bien lui qui déboule en 2ème position, il a repris ses deux prédécesseurs à Bugarach !!! Après 105km de course il pointe sur la deuxième marche et à ce moment là je commence à penser fortement au podium. Sans même marquer un arrêt il file direction Sougraigne lieu du prochain ravito.
On grimpe dans les voitures, et nous filons vers le prochain point d’assistance. Le premier est déjà parti à notre arrivée. L’attente n’est pas très longue car on nous annonce des frontales qui déboulent vers le village. En effet une dizaine de minutes plus tard, voici notre poulain qui se pointe dans la salle de la mairie acclamé par tous les bénévoles. Tout en s’alimentant il nous raconte l’ascension de Bugarach, le froid, le brouillard… ça n’a pas été une partie de plaisir mais le fait de connaitre lui a fait reprendre des places. Puis sous les clameurs, il repart, toujours en 2ème position avec le 3ème à 10′ derrière, ça commence à sentir bon… Maintenant direction Arques.
Le jour commence à se lever et quand nous arrivons devant le donjon d’Arques, nous y voyons comme en plein jour… Normal il est 8h et des patates et il fait jour ! Il est vrai que cette nuit blanche commence à me faire perdre mes repères temporels un peu, à ce moment là je me dit que cela doit être bien pire pour les coureurs qui doivent jongler entre manque de sommeil, montées d’endorphines, douleurs, froid… Bref ça doit commencer à piquer. Kilomètre 120 ! Voici Marsou qui déboule toujours en position 2, Yes !!!! Mais le 3ème pointe à peine une minute derrière, il fait une belle remontée. Marcelin souffre à nouveau des adducteurs et commence à sentir de légères douleurs au genou gauche.
A peine arrivé celui qui était 3ème repart. Nous décidons cependant de bien marquer le ravito. Une bonne soupe, un petit massage et c’est à 9h précise que Marsou repart direction Villardebelle. Après avoir déroulé deux à trois cent mètres avec lui, je me rend compte que les cannes y sont moins. Cependant le 4ème pointe 30′ derrière maintenant, je suis toujours confiant pour le podium. Le massage plus le ravito lui auront certainement fait du bien.
Après avoir informé les amis facebookiens direction la voiture pour Villardebelle. « Villardebelle – Villardebelle quelques minutes d’arrêt ! » Là nous retrouvons les parents de Marsou et l’attente commence. Comme sur le précedent point le premier est déjà passé il compte quasiment deux heures d’avance sur Marcelin. Au fond de moi j’espère qu’il aura pu reprendre du temps sur le second, et au delà que les douleurs qui se sont réveillées à Arques auront disparu.
La liaison Arques / Villardebelle étant distante de 13km j’en profite pour faire un tour de village avec Zazaw. Puis je descends patienter dans la salle polyvalente. Mais vers 10h50, alors que j’étais un peu en état léthargique avancé, le second est annoncé, il est dans les clous par rapport à la distance. Je décide alors de partir à la rencontre de Marcelin. Mais 10′ de marche plus tard, personne. Il a malheureusement encore perdu de temps. Ce n’est qu’au bout de quinze minutes que je le vois arriver au fond d’un sentier. Il n’a pas l’air fricot, bon en même après 133km de course difficile de danser la lambada, d’ailleurs ça n’aurait aucun intérêt, en tout cas sur le plan sportif ! Je me place donc à ses côtés sur ce faux plat descendant et il me dit ressentir une douleur aiguë au niveau du genou gauche. Par ailleurs ischios et adducteurs tiraillent un peu. Je décide donc de strapper le genoux pendant le ravito.
Sitôt arrivé dans la salle polyvalente on relève le corsaire, je regarde rapidement, le genoux n’a pas gonflé, je mets en place un strap de maintien, mais après s’être ravitaillé, lorsqu’il se relève, la machine qui vient de se refroidir est dure à remettre en route. J’effectue deux cent mètres de descente à ses côtés, ça va être dur, mais à 40km de l’arrivée, avec 30′ d’avance sur le 4ème et connaissant le bestiau, je suis persuadé que ça va le faire. J’en suis même assez ému à ce moment là, mélange de fatigue, mais souvenir de la prépa de Marsou qui n’a pas été simple entre un boulot physique avec des horaires à la mord moi le noeud et malgré tout la nécessité de préparer cette course à minima. Je sais les sacrifices qu’il a du faire, comme des entrainements de nuit, ou encore prendre du temps sur sa vie familiale, bref c’est un peu la larmotte à l’oeil imaginant déjà le pont levis de la Cité se profilant que je grimpe dans la voiture en direction de Gréfeil 10km plus loin.
Gréfeil, village situé à 143km du début du périple. Première étape trouver le lieu du ravito tout en haut du village, check ! Puis attendre… Le deuxième arrive à 12h20, ce n’est que 30′ après que Marcelin pointe le bout de son nez. Seb a été à sa rencontre et d’entrée je vois que l’allure et la démarche, très certainement inspirées de Jack Sparrow, ne sont pas top du tout. Arrivé dans le local, il s’effondre sur le canapé. La douleur au genoux est telle qu’elle le tétanise sur toute la jambe. Par ailleurs pour minimiser les impacts sur le genou, dans une longue descente, il a compensé sur l’autre jambe et celle-ci, ayant absorbé tous les chocs, est à présent douloureuse. Un coup d’oeil au genou, il a gonflé. On glace, rien n’y fait. Le reste du corps en se refroidissant devient encore plus douloureux. Pendant ce temps là, le 4ème arrive, il s’arrête à peine et repart. Il redémarre donc en 3ème position… On fait quoi ? La question se pose… Marcelin refuse de laisser tomber, il prend ses bâtons et tente de gravir la côte qui se présente à lui. Mais 50 mètres plus loin il faut se rendre à l’évidence. Bien qu’à « seulement » trente kilomètres de l’arrivée, après 143km de course en tutoyant le podium, il faut mettre le cligno et se ranger sur les côtés.
C’est cruel, mais c’est la loi de la course, la blessure survenue de manière sournoise, l’emporte. Le temps qui passe nous conforte dans le fait que l’abandon est justifié. Les douleurs s’amplifient au fur et à mesure que le reste du corps se refroidit. Je demande alors un transfert vers les urgences. L’infirmière fait la demande, c’est accordé, un VSAV ne va pas tarder. En attendant elle décide de perfuser Marsou et pour ce faire nous l’installons dans un transat. Et là, un peu comme dans un film de Pierre Richard, le sort s’acharne, le transat se pète en deux sur Marsou qui du coup à mal mais envie de rire. Les pompiers arrivent, l’immobilisent et l’embarquent vers les urgences. Il y a un gros épanchement de synovie qui empêche tout diagnostic immédiat, c’est soit le ménisque, soit les ligaments… On en saura un peu plus la semaine prochaine. En attendant c’est sous forte dose de calmant qu’il rentrera chez lui en fin de journée.
Pendant ce temps je regagne Carcassonne afin de remettre la puce de Marcelin au PC arrivé. Durant le trajet, je m’enquiers de la place d’Anaïs, toute nouvelle dans le groupe et engagée sur le 100km, il est 16h et elle pointe à la mi course après 7h d’effort, ça semble bien engagé. Au final elle bouclera les 100km en 17h26 à la 62ème position au scratch et à la 4ème place sénior ! Super et d’excellente augure pour la suite.
Une fois passé au Dôme et après avoir résumé les 143km de course de Marsou à Béber, je rentre à la maison. Je ne suis pas déçu, loin de là, 143km à cette position c’est énorme et seul le pépin physique, le petit grain de sable, a empêché l’exploit et je suis sur qu’avec un peu de recul cette course résonnera comme une victoire pour Marcelin.
Le lendemain, le samedi 17 donc, c’est au tour d’Emilien de s’élancer sur le 40km. De mon côté après avoir récupéré mes 2 petits monstres, c’est en partie depuis le centre commercial Leclerc que Kent et Théo me tiennent informés de sa course tous les 10km. Et quelle course, après s’être sorti les doigts et les tripes pendant 40 bornes, le voici qui arrive, devançant un plateau de très bon niveau, à la troisième place. Le top Mimi !
Le soir nous nous retrouverons tous au Dôme, même Marsou et ses béquilles sont venus, la binouze coule pas mal et c’est tous bien fier de lui que nous voyons monter Emilien sur la troisième marche du podium.
Bilan de ce long weekend, juste quelques mots… J’ai la chance d’avoir un groupe au mental de fou, qui sait aller chercher la perf, le tout dans une top ambiance. Marsou, Anaïs, Emilien, et tous les autres qui s’élanceront sur les prochaines compets continuez !!! Le ton est donné, Y a plus qu’à !!!
To be continued…
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