Vendredi 10 juin 2016 : Midi sonne et hop je retrouve Marsou, Patrice et Elodie pour un petit repas à Carcassonne, c’est bizarre comme mes CR commencent et finissent souvent autour d’une table. Une fois terminé nous laissons Elodie retourner bosser et nous grimpons dans la Marsou-Mobile direction Aigues-Mortes histoire de retirer nos dossards (Marsou et moi, Patrice est là en qualité de suiveur-chauffeur) pour le Grand Raid de Camargue. L’an dernier pour la petite histoire nous avions déjà participé mais en relais (si vous voulez relire c’est là), mais cette année ce sera en solo sur 100km … Bref mon premier ultra ! Ça fait d’ailleurs quelques jours que j’ai comme une boule au ventre, un peu de stress mêlé à de l’appréhension avec une pointe de curiosité, il est temps d’en découdre avec ce géant camarguais qui m’a tellement régalé l’an dernier au point que je revienne le découvrir de pied en cap cette année. Côté dossard je suis soigné, Laurent m’a réservé le N°1 et même si je sais pertinemment que je ne joue pas dans la cour des favoris j’ai l’impression d’avoir une responsabilité supplémentaire, j’en suis aussi très flatté. On parle on parle, mais nous voilà déjà à Aigues-Mortes direction le PC course.
Laurent est sur le pont mais avec sa gentillesse qui le caractérise il prend un moment pour venir nous voir, nous parler… Laurent si tu me lis ne change pas tu es une personne en or ! Dossards en main, une petite binouze, quand même, sur la belle place de la cité fortifiée et hop hop hop on remonte dans la Marsou-mobile direction Salin-de-Giraud lieu du départ de notre aventure. On monte les tentes, on prend soin de s’asperger d’anti-moustique histoire de ne pas se faire empaler comme Kent l’année dernière, une bonne côte de taureau, une binouze… Et arrive Serge un ami d’enfance, on ne s’est pas vu depuis au moins 15 ans, rencontre surprise et top, génial ce que le hasard peut faire parfois. Il est près de minuit, il faut filer au lit car le réveil est monté pour 4h30 du mat et à 6 heures (toujours du mat) le départ sera donné.
Réveillé avant le réveil, j’ai l’impression d’être en canne, bon en même temps il vaut mieux car avec le chantier qui nous attend on a du pain sur la planche. Je checke pour la 50ème fois mon sac, enfile mon short de trail 3D-FLEX pour le bas, et pour le haut le Tee-Shirt 3D-FLEX SPRINT et hop direction la zone de départ. A ce moment là le ventre se noue un peu mais en même temps je n’ai pas peur, je me suis bien préparé pour cette course depuis 2 mois maintenant, et même si je n’ai jamais couru plus de 44km auparavant une voix au fond de moi me dit que c’est bon, il n’y a pas à avoir peur. Le plateau est bien relevé cette année du coup on s’échange les dernières consignes avec Marsou, surtout veiller à ne pas s’enflammer sur le départ car si ça part vite ça va être dur de tenir par la suite. De mon côté je sais qu’il faut que je reste humble sur les allures sous peine d’exploser en plein vol et mon but est de me poser en douceur au pied des remparts d’Aigues-Mortes. J’essaie de balancer une ou deux vannes avant le départ, plus dans l’optique de me détendre à moi je pense. On est tout proche, Laurent prend le micro pour un dernier brief nous sommes tous sous l’arche de départ, dans quelques instants je ne serai plus le même, et à ce moment là j’ai une grosse pensée pour mon petit frère, je sais qu’il sera présent à mes côtés tout au long de ce périple. Et bim le départ est donné … Et d’un coup d’un seul le ventre se dénoue, je suis bien, je suis en Camargue et je vais m’en mettre plein les yeux.
Devant comme prévu c’est parti vite, enfin tout est relatif mais ils sont déjà sur un tempo supérieur aux 13km/h, de mon côté je scrute le GPS et essaie d’avoir une allure adéquate, dans l’absolue il faudrait que je sois aux alentours des 5’10 au kil mais j’ai tendance à me laisser embarquer, rien de bien catastrophique mais je suis au dessus des 12km/h, gare ! Un petit tour dans Salin-de-Giraud et c’est direction les fameux salins justement. A ce moment là je suis rejoins par Philippe, deuxième l’année dernière sur le solo et 2 autres coureurs. Le fait de voir Philippe à mes côtés n’est pas fait pour me rassurer, je me dis alors que peut être le tempo est trop fort, mais le groupe de 4 se soude à l’entrée des salins. Nous voilà bercés par les couleurs du levant sur les marais salants, le rose est partout autour. Côté température il fait déjà un peu lourd, mais un petit mistral semble se lever… La question se pose à ce moment là car le mistral s’il se lève trop il sera gênant car il est de face, mais sans lui, vu la température matinale, ça risque d’être mucho caliente ! Et notre quatuor fait son bonhomme de chemin dans les salins. Parfois on discute, parfois le silence s’impose face au panorama. Toutes les 10 minutes environ je me mets une gorgée dans le gosier fidèle à ma stratégie d’hydratation. Vers le 13ème kil premier ravito, je refais les niveaux, prend deux bouts de banane, marche un peu et hop c’est reparti mais le quatuor a explosé.
Environ 500 mètres plus loin, sans que l’on se soit dit quoique ce soit, nous nous retrouvons à nouveau tous les 4. Est ce bien ? Ne suis je pas un peu trop rapide ? Les kilomètres défilent toujours un peu trop rapidement par rapport à mes objectifs, mais bon pour le moment je me laisse porter et c’est bien sympa par moment de pouvoir échanger. Aux alentours du 16ème kil voici devant nous la première portion de sable, elle n’est pas très longue, environ 2,5km mais elle commence à donner le ton, et le ton c’est bon… (non elle est nulle celle là) nous évoluons alors plus ou moins en file indienne, non pour se protéger du vent mais simplement pour évoluer sur la portion la plus rigide de la plage. L’air iodé me vivifie,, certes nous n’avons pas parcouru 20km encore mais tout va bien dans le meilleur des mondes. Les cannes sont là, la tête aussi, bref le top ! A la sortie de la plage Philippe et l’un de mes acolytes prennent quelques encablures, par la suite je les devinerais par moment sur les longues lignes droites mais l’entrée à fleur d’eau cernés par les étangs marquera la fin de notre route commune. Et quelques centaines de mètres plus loin je fait une petite pause pipi, peut être un peu volontaire d’ailleurs, qui me séparera de Christian. Je suis seul au milieu des étangs avec pour seuls compagnons les Pink Flamingos !
2 ou 3 kilomètres avant le second ravito je longe un groupe de flamants et là le temps s’est arrêté quelques secondes quand les flamants ont décollé pour traverser devant moi à seulement une dizaine de mètres pour aller dans l’étang à côté, instant magique ! Mais que voilà maintenant ? Le 27me kil et son ravito, je refais les niveaux, prend des pâtes de fruits ce coup-ci, échange avec les bénévoles à qui j’en profite pour tirer un grand coup de chapeau pour leur dévouement et leur gentillesse, et repars sous leurs applaudissements. Ça fait bizarre d’ailleurs ces applaudissements, car je ne suis qu’au 27ème et pour moi je n’ai rien fait encore, rien n’est mérité, mais je les savoure tout autant que mes pâtes de fruits et 300 mètres après je me remets à trottiner. Le fait d’être seul maintenant me permet de mieux réguler ma foulée, mon allure et puis de mieux profiter de tout, l’impression que tout cet environnement n’appartient qu’à moi seul.
Mais les choses ne vont pas en rester là. Le 31ème kil marque l’arrivée sur la plage de Beauduc (si ma mémoire est bonne) au loin j’aperçois d’autres participants et à voir leur éloignement je sais que la plage va être belle… Mais looooongue ! Dès le début je cherche comme les autres à trouver un sable plus meuble et pour ça j’utilise les traces de roues de voiture, mais les appuis se font délicats et fuyant, parfois je m’enfonce plus que prévu, il y a 4km environ sur cette plage et ils vont être longs. J’ai beau lever la tête je n’en vois pas le bout. Par ailleurs le vent se renforce et toujours de face évidemment sinon c’est pas rigolo. Je me mets alors à marcher, à quoi bon lutter de la sorte, soit je force et les 70km restants risquent de me paraître très très longs ou alors j’essaie d’optimiser. De toute façon j’ai une large avance sur mes objectifs. Mais même la marche me fait piocher. 2 à 3 coureurs me doublent en m’encourageant, je leur rend la pareille, mais à ce moment là je doute. Je me remets alors à courir et enfin aperçois la sortie de la plage, ouf c’est passé mais non sans mal. Heureusement j’ai conservé mon tempo d’hydratation car la température est en même temps montée d’un cran, ça va être chaud ! Arrive alors un runner d’un certain âge qui me tape la discute, il fait sa sortie longue et en profite pour faire un bout avec moi, au début je lui répond, mais comment dire là je ne suis pas au mieux et je n’ai pas envie que ça s’éternise, je lui dit gentiment que je vais mettre mon mp3, il comprend, il m’escortera quand même quelques minutes encore avant de prendre le large.
Le ravito du 37ème me fait beaucoup de bien surtout au plan moral, les encouragements me boostent, le petit coca aussi, je repars en les remerciant à la marche comme j’ai pris l’habitude et me dirige sur la longue piste menant aux Saintes Maries de la mer. Je commence à croiser beaucoup de promeneurs et quasiment tous y vont de leurs encouragements, c’est génial, j’ai l’impression à les écouter de faire les 12 travaux d’Hercule. Cela dit je commence à marquer le coup, je suis à 5’50 en moyenne au kil et les jambes se font, à ce moment là, bien lourdes. Je me force à courir jusqu’au 42ème, c’est con mais c’est juste histoire d’avoir un temps au marathon, temps qui sera vers les 3h50, bon je me dis que c’est plutôt bien en ayant eu presque 10km de sable. J’ai beau me dire ça, oufff c’est dur, très dur. Il fait chaud, le vent devient costaud, j’ai mal sous la plante du pied gauche… Je fais un peu ma Balasko dans les bronzés font du ski mais y avait pas mal de ça. Je décide de marcher et en profite pour sortir mon téléphone du sac… Non pas pour appeler l’assistance mais pour entendre Isa, le coup de fil fait du bien, un petit sms à Matthis et à Marin, je vois aussi que des potos pensent à moi il y a des textos qui sont arrivés, faut se reprendre, se ressaisir, on ne lâche rien tu n’as même pas fait la moitié me dis-je… Le fait de croiser bon nombre de promeneurs me relance et c’est en petites foulées que je vois se profiler les Saintes Maries de la Mer. Je branche le Mp3 à nouveau et là le générique des têtes brûlées, Pappy Boyington est avec moi, j’esquisse un sourire replonge en enfance en repensant à cette série et oublie ma voute plantaire.
J’arrive enfin aux Saintes et là à seulement 1 kil de la base de vie, V’là tit pas que Flo surgit sur sont VTT, excellent, j’oublie toutes les douleurs et même si ma foulée est bien étriquée je me relance. C’est top de pouvoir échanger avec lui, mon P’tit Flo tu ne le sais pas mais tu as bien boosté ma fin de première partie de course… Merci ! La base arrive je sais que je vais trouver Patrice, pouvoir me masser les jambes, m’asperger le visage, manger et surtout avoir des news de Marsou. Je pénètre dans l’enceinte sous les applaudissements, on prononce mon nom au micro, c’est génial, la banane revient complètement je sais que ça va le faire, il faut juste que je prenne un peu de temps… Mais quand j’arrive dans le gymnase je vois certes Patrice, mais aussi Marsou, il est arrivé une demi heure plus tôt et ne repartira pas, moral en vrac, pas les cannes, il a préféré stopper. Mes sentiments sont très partagés à ce moment là je suis énormément déçu pour lui, plus que déçu d’ailleurs, triste, car pour moi pour que la course soit la plus belle possible il fallait qu’on la termine tous les 2 et que Marsou se rapproche de la boîte c’était ce que j’ambitionnais pour lui. Et là c’est lui qui sait trouver les mots. Pendant que je me masse les guiboles il me motive, c’est vrai, je peux encore moins lâcher là, je cours pour 2 ! J’ai déjà fait 50 bornes, on ne va pas se laisser impressionner par les 50 autres ! Je prend une banane marche un peu en compagnie de Marsou et Patrice, ils se dirigent vers la voiture, je continue en mangeant tranquillement, les larmes ne sont pas loin, un petit trop plein d’émotion que de laisser Marsou sur le bord de la route, mais il en est ainsi … Direction le Bac du sauvage où ils vont d’ailleurs venir me faire un coucou. Pendant le ravito j’ai pu voir que je repartais avant certains coureurs arrivés pourtant avant moi, et dès les premiers kilomètres de course je remonte encore une paire de coureur. Je me remémore ce que m’a dit Marsou, comme quoi beaucoup avait moins bonne mine que moi, alors je ne sais pas trop quelle tête j’avais mais à celle de ceux que je double je vois qu’ils sont dans la peine.
Je sais que 8km environ me séparent du Bac du Sauvage, et ces 8km là je vais arriver à les trotter de bout en bout. Le passage au stand m’a fait un bien fou de même que mon petit massage à l’arnica. Je ne suis pas à la vitesse d’une F1 mais je tiens un petit 6’30 des familles qui fait du bien à la tête. Par ailleurs il y a peu de passages caillouteux ce qui soulage mes voutes plantaires. A chaque intersection se trouvent des bénévoles toujours souriants et qui applaudissent, c’est génial. D’ailleurs en traversant une route l’un d’entre me lance un « respect, allez au bout », je lui lance un merci et lui dit que c’est lui qui est courageux de passer une journée en plein soleil à un carrefour. Et puis chemin faisant j’arrive au bac du sauvage juste au moment où celui ci quitte la rive. Pas de panique à cet endroit le chrono est neutralisé. Je vais en profiter pour blaguer avec les bénévoles, Marsou et Patrice et me taper une saucisse sèche entière … What Else ? On est pas bien là ? Manquait juste un coup de rouge … Marsou pendant ce temps jette un oeil au classement, non de non … Je suis 16ème et devant certains ne sont pas très loin, je ne pensais pas être aussi haut dans le classement, ça me colle un peu de pression sur le coup, mais non la route est longue encore, en fait c’est maintenant au kilomètre 60 que la course commence vraiment.
Allez, Go !! Il est temps d’embarquer sur le bac et de se lancer à l’assaut du géant camarguais. A peine une minute plus tard la traversée est faite, le chrono reparti et le tapis des 40 derniers kilomètres se déroule devant moi. Je redémarre avec Christian avec qui j’avais fait les 20 premiers kilos, ainsi que deux autres solos arrivés après moi au bac (environ 5′) et un relayeur et une relayeuse. Ce mini peloton ne reste pas soudé longtemps, je sais que j’ai du retard sur Christian mais de l’avance sur les 2 autres solos, bah de toute façon wait and see, c’est loin d’être un sprint. La chaleur tombe et le vent toujours présent ne suffit plus à faire baisser la sensation de chaud, tout juste sert il à me les « briser » (vent / brise … Jeu de mot, non il est nul, ok j’en fait plus, croix de bois, non mais euh… le prochain sera meilleur surement) en se mettant à souffler bien de face. Après deux longues lignes droites d’environ 2km chacune voici que se présente à moi la plage du radeau, La plage sauvage par excellence.
Bon d’abord quand tu arrives, par respect, tu t’essuies les pieds et là ça se traduit par un passage obligatoire dans un bras de mer d’une quinzaine de mettre avec de l’eau à mi-mollet. Le passage franchit j’appelle un des coureurs relai qui était devant moi et que je vois partir dans la mauvaise direction, malgré le vent et la distance il m’entend et rectifie le tir. De mon côté, tant pis pour le bruit des vagues mais les premiers appuis dans le sable fin entament un peu ma foulée et mon envie, il me faut du baume au coeur et chausse mes écouteurs. Chaussures mouillées me voilà parti pour plus de 5km dans le sable fin à enjamber une dizaine de jetées ! J’ai le cou qui commence à chauffer à cause du soleil, toutes les 5′ je prend une gorgée et m’asperge soit dans le dos soit sur la tête. Je suis à présent seul au monde, la mer, le vent, le sable et moi. Je ne sais pas comment je fais à ce moment là, mais je vais arriver à courir (alors l’allure sera de 8′ au kil même un peu plus) tout le long de la plage. Je crois que durant cette traversée j’ai simplement honoré une promesse faite à mon petit frère 13 ans plus tôt en lui disant qu’on allait recourir un jour ensemble, il était à mes côtés tout simplement ! La musique, l’endorphine, les souvenirs, le vent, le sable, la mer… Par moment les larmes montent aux yeux et ce n’est pas de la douleur non à part un peu de fatigue à cet instant je suis bien, juste des émotions qui sont là pour certaines enfouies depuis longtemps et qui font surface. Il y a 7 heures maintenant que je cours, c’est magique. Et puis au loin un parasol, du monde, le ravito, la fin de l’isolement, je quitte mes pensées, un univers pour retrouver la bienveillance des bénévoles qui atténue un peu le chagrin que j’ai à ce moment là de quitter ce bout de terre qui m’a permis de remonter dans le passé.
Sur le ravito, certes je refais les niveaux, mais j’en profite surtout pour changer de paire de chaussettes. L’expérience de l’an dernier, inutile de se trimbaler sable et sel en dehors car maintenant il reste 30 kils à faire entre étangs et vignes. Dans un premier temps je suis content de retrouver mes potos les flamants roses, mais je me rend vite compte que j’ai pas mal pioché au final sur la plage, je m’aménage un temps de marche à un moment où le vent de face était très fort, une relayeuse me passe en me lançant quelques mots d’encouragement, puis Christian repasse, il s’est refait la cerise un peu. Le sol dur et caillouteux relance mes douleurs plantaires, dès que le vent n’est plus de face j’essaie de recourir. Je cale, c’est pas le moment, heureusement j’ai toujours cette lucidité depuis le départ et je sais que c’est un mauvais moment, que moi aussi je vais me refaire la cerise. J’envoie un texto à Isa et du coup je vois plein de sms d’encouragements. Fabrice, Théo, Marsou … ça fait chaud au coeur. Marsou m’annonce aussi que ça a drôlement bâché, il y a eu encore un abandon devant moi. Il ne faut rien lâcher, un peu à haute voix surement je me motive et repart en courant. Les foulées sont toutes étriquées, ce sont les psoas qui décident de leur amplitude à ce moment là, ils ont l’air engorgé mais ne sont pas douloureux. En fait ça fait près de 80km que je cours maintenant et mis à part mon pied gauche et une petite ampoule au pied droit je n’ai aucune douleur vraiment sensible. Je ne dit pas que lorsque je reprend mes phases de course les reprises ne sont pas sensibles mais ça disparait au bout d’une vingtaine de secondes.
Changement de décor à présent, me voici à Listel. Au 80ème kil un ravito, j’échange une ou deux plaisanteries avec les bénévoles et après avoir fait les niveaux repart avec des cacahuètes, c’est bon ça ! Je marche, et décide d’appeler Isa. Je la rassure par rapport à mon sms du 74ème kil, échange un peu avec quand devant moi j’aperçois deux coureurs. Je peux passer et marquer le coup. A l’entame d’un chemin qui remplace le passage entre les vignes empruntées l’an passé je double, mais rapidement je me remets à la marche… Laurent si tu me lis je t’ai maudit à ce moment là, le chemin, enfin les restes du paléolithique de ce qui avait été un chemin du temps de Cro-Magnon, de l’herbe au genoux, des joncs qui viennent doucement te caresser les cuisses puis te piquer, du sable en dessous et trous invisibles masqués par la brousse, bref 4 kilomètres de concentré de bonheur. Cela dit, malgré ça, ça a beau ne pas être gentil, le réconfort est venu des autres. Tant bien que mal je double les 2 compères aperçus peu avant, mais également 2 relayeurs. Le fait de voir les autres bien plus mal que moi me donne des ailes, enfin des ailes de canetons surement, j’arrive à ne pas trop mal courir et quand enfin je retrouve un semblant de terre ferme les autres sont loin derrière.
Au détour d’un virage j’aperçois le domaine de Jarras au bout d’une ligne droite, je sais qu’une fois là bas je n’aurai que 7km avant de franchir l’arche, le domaine semble si proche que j’accélère un peu le tempo, mais le « perfide Laurent » n’avait pas dit son dernier mot… l’aiguillage vire à droite et c’est entre les vignes, sur un chemin herbeux, qu’il faut passer, le contour va être long. Je suis seul au milieu des vignes, j’ai pris un petit coup de bambou derrière la nuque pensant être tout proche de Jarras et là je ne sais pas pour combien j’en ai. D’un coup mon MP3 me diffuse « Marche à l’ombre ». Un coup d’oeil devant, un autre derrière et seules les vignes seront témoins de ma médiocrité en chant car c’est à haute voix que j’entonne le refrain : « Toi tu m’fous les glandes, pi t’as rien à foutre dans mon monde, arrache-toi d’là, t’es pas d’ma bande casse-toi, tu pues, et marche à l’ombre ! ». Le fait de chanter me donne à nouveau la patate et peu à peu le domaine se rapproche… Il est là maintenant devant moi. Un arrêt au stand-ravito, je m’assois un peu, comme pour savourer ce dernier stand avant l’arrivée. Plus que 7km, c’est à ce moment que mon GPS me fait une crise d’autonomie et cale, vaillant quand même après 10h46 de bons et loyaux services, il s’éteint… De mon côté je reprend la route avec une relayeuse et un solo.
Nous marchons quelques centaines de mètres, puis ils décident de se remettre à courir, je marche encore un peu et leur emboîte le pas. Maintenant ce n’est que du bonheur. Les grands tas de sel devant lesquels j’avais ramassé l’an dernier son synonyme de fin pour moi. à mi ligne droite je ne sais pourquoi, je me retourne et aperçois 500 mètres derrières deux solos. Il n’y a pas moyen, difficilement j’essaie d’augmenter la cadence de mes foulées, m’interdit de marcher sur une longue ligne droite face au vent, J’arrive au pied du grand tas de sel, la photographe m’encourage, je la remercie, je file, j’ai le vent qui me porte. Un instant mes pieds chauffent à nouveau, j’aperçois les remparts à la sortie de l’usine des salins. Les remparts se troublent un peu car à cet instant pas mal de choses se bousculent à nouveau dans ma tête il y a plus de 11h30 que je cours, j’ai l’impression que ça fait juste une heure, le temps n’a eu aucune emprise sur la course. Je cours, j’arrive au milieu de maisons, des gens sont dehors m’encouragent, me félicitent, donnent un autre sens à ma course, c’est un peu comme si j’étais le premier homme sur Mars… Et pourtant !
La foulée devient légère, rapide, peut être n’est ce qu’illusion mais tout s’accélère, Marsou et Patrice sont là me félicitent, m’encouragent me donnent ma place, 14ème à ce moment là, puis ils s’écartent, encore deux virages et ce sera l’arche, devant 2 relayeurs en terminent ensemble, je reste en retrait ralenti un peu pour leur laisser savourer ce moment, l’arche est à 100 mètres devant moi, je lève les yeux au ciel, puis fixe l’arche, l’émotion est là, j’ai vaincu le Géant de Camargue ! L’arche est franchie… Après 11h41 j’ai traversé la Camargue en courant. J’apprend un peu plus tard qu’avec le jeu des chronos gelés du Bac je suis en fait 13ème et 6ème V1, c’est la cerise sur le gâteau. Je suis dans le sas je tombe sur Thierry, ouvreur VTT cette année et l’année dernière lui lance une accolade, lui raconte deux ou trois petits bouts de course, j’avance, on me tend le tee shirt de finisher… ça y est ! Je n’ai certes pas inventé le vaccin contre la rage mais je crois qu’à ce moment là j’en éprouve la même fierté.
Flo arrive, puis Patrice et enfin Marsou avec tient dans la main ma boisson de récup favorite. C’est top, je suis heureux qu’ils soient là tous les 3 tant j’ai envie de partager cet instant, mélange d’émotion et d’euphorie. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage. Avant d’aller prendre la douche j’appelle Isa qui se dirige vers ses championnats régionaux de 800 mètres (au passage elle prendra une magnifique médaille de bronze et explosera son record de plus d’une seconde, le double tour de piste en 2’25, il y a des jours comme ça), Puis j’appelle Matthis et Marin, mes parents. La douche prise, je me pose avec Marsou, Patrice et Flo, croise Pascal, et peu à peu des douleurs apparaissent, mes jambes s’endolorissent, j’ai mal partout, bref je suis rentré dans la famille des Ultras !
Merci à tous mes athlètes et mes amis pour tous ces encouragements que j’ai découvert en arrivant pour la plupart, merci à Isa, Matthis et Marin pour leur soutien quotidien, merci à Patrice pour son suivi, merci à Flo pour tes mots et ta présence et merci Marsou d’avoir été d’un tel soutien après avoir stoppé, c’était juste au top !
Laurent je te fais une ligne à part, alors certes tu n’es pas tout seul et tous les bénévoles ont été géniaux, mais c’est toi qui a su fédérer tout ça, merci du fond du coeur de m’avoir permis de vivre une telle aventure dans un cadre aussi grandiose avec des gens merveilleux ! Merci mille fois !
Pour la suite on rejoue en relais avec Isa sur le Patou Trail dans 15 jours… (ça va la changer de la piste « hé hé hé » <= rire sadique) et ce avant de nouvelles échéances.
To Be Continued…
Photos DR et Claude Pilet
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